Atelier du 05 mai

La cabane ressemblait plutôt à un château en carton, soutenus par des poteaux en bois fichés dans le sol. A aucun moment il n’imagina que quelqu’un pouvait y vivre. Pourtant en poussant l’ouverture symbolisée par un rideau bleu, il découvrit tout un bric à brac, un canevas de cartons colorés et découpés représentant des objets du quotidien,  comme si quelqu’un occupait le lieu pour de faux. Il réalisa que cette découverte au fond des bois, le réconfortait dans cette aventure qu’il souhaitait depuis longtemps.  La faune et la flore environnantes qu’il connaissait trop bien ne le satisfaisait qu’à moitié. Pour lui, en l’année de ses dix ans, l’aventure devait comporter sa part de surprise et de mystères. Il resta un long moment à fouiller dans le tas d’objets digne d’une brocante, lorsque soudain il aperçut une silhouette qui vint masquer l’ouverture. Son cœur fit un bond. Il poussa un cri et sans réfléchir se saisit d’un pinceau qui trainait là et le brandit comme d’une épée.
La silhouette recula d’un pas et dit :
-       -  N’ai pas peur petit, je ne vais pas te manger.
Sa voix douce et terne ne rassura qu’à moitié le garçon. Se faire surprendre en train de fouiller chez cet homme, ce géant sans visage, le remplit de honte. L’homme recula et dit :
-          - Au revoir petit. Je te laisse à ton rêve d’aventure.

Cabane, petite maison ou prison. Être en cabane après une cavale, une cabane fermée, sombre, noire, sale, étroite. Une cabane pas très réjouissante. Et le canevas des jours qui se tissent identiques les uns aux autres, brodés au fil gris ou dessinés par des traits sur les murs, comme dans les romans d’aventure, prisonniers ou maris échoués, tiens j’ai écrit maris échoués, voici une autre histoire. Une jolie cabane fleurie avec une idylle romantique, un beau mariage et puis le mari échoué, ou alors le mariage échoué et la cabane désertée, dont les murs s’effritent. Les marques des jours s’effacent, la faune et la flore envahissent les lieux, la moisissure ternit les casseroles, de petits champignons parsèment le sol et les toiles d’araignée décorent les poutres. Mais les récits de marins échoués sur une île déserte, c’est le contraire. L’homme, fort et musclé, une belle silhouette qui se dresse en contrejour face à l’infini de l’océan, construit. Il est courageux, décidé et sa cabane est solide. Il coupe les arbres avec un bout de coquillage, tellement il est fort et astucieux, il rabote les planches qui sont de suite belles, vernies comme avec un pinceau, d’ailleurs il est tellement fort et astucieux qu’il fabrique des pinceaux avec des écailles de poisson. Les murs sont bien alignés, le toit est étanche, le plancher brille, rien de terne dans cette belle cabane de marin échoué. Il faut bien rêver, surtout si on est en cabane, je veux dire en prison. Et dessiner des plans pour s’évader, parce que ça c’est un bon rêve, mieux que s’échouer sur une île déserte. Oui s’activer et devenir fort et astucieux comme le marin avec sa cabane en rondins lisses et vernis, fabriquer des pelles et des limes avec des bouts d’ongle. Garder le secret et surprendre toute la prison avec une évasion improbable. Oui, un bon rêve. Il faut donc arrêter de se ronger les ongles et les faire durcir. Alors au revoir la cabane et à plus jamais !