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Françoise
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Ecrivain7 Françoise Empty Ecrivain7 Françoise

Jeu 6 Mai - 16:41
Journal de Marion Basset
 
      Mardi 16, 15 heures
 
-       Denis est brillant ; il a toujours eu beaucoup de goût, dit-on généralement.
Et la belle Marion en est une preuve supplémentaire, ajoute-t-on pour montrer que l’on ne m’oublie pas. 
Maintenant que l’appartement est vide, silencieux, propre et bien rangé. 
Nickel.
Pinterestable : un haussmannien meublé design ; du mobilier iconique, comme disent les magazines ; canapés, chaises, luminaires, tout est identifiable, beau et cher…
Maintenant, ce rôle de potiche design, dans son décor de rêve, je n’en peux plus.
Comme je n’aime pas beaucoup non plus cette bourgeoise blonde et sévère qui me regarde dans chaque miroir, avec sa ride d’amertume, la bien-nommée, qui lui barre la joue.
Et je déteste le gouffre de vacuité qui s’ouvre sous mes pieds, quand je pense aux années à venir ; les enfants sont tous partis, Denis s’absente de plus en plus souvent pour des raisons prétendument professionnelles...
Il est loin, le temps des cerises à Paris, l’étudiante en lettres future journaliste, les nuits charrettes, les projets, les amis … Les liens se sont distendus, brisés. La vie d’une femme au foyer de province n’intéresse qu’une autre femme au foyer. Et encore…
            C’est sûr, j’ai été lâche, c’est de ma faute ; bien contente d’élever tranquillement les enfants, de voyager, d’entretenir mon corps et de jouer les dames patronnesses du bénévolat moderne, de m’occuper de la maison, confortablement subsidiée par Denis, le nez dans le guidon. 
Mais quand je pense…
Quand je pense à la fille que j’ai été, bosseuse, cultivée, avec une imagination débordante, et un humour caustique… En fait, c’est ça que je regrette, plus que ma jeunesse, cette période où j’ai fait quelque chose de ma vie, et que j’ai abandonnée, trop vite, sans réfléchir aux conséquences !
Maintenant, de toutes façons, je suis larguée, plus de réseau, laissé passer le train.
Sans compter Denis, le brillant Denis, mon bel amour, le prince charmant devenu si cassant, si arrogant, méprisant. Plus de discussions, plus de projets, plus grand-chose en commun, quoi…
 
-          Vous le lui avez dit, à lui, ce que vous me dites ?
 
-          Au grand mâle blanc avec lequel je partage trois enfants et un appartement, et qui, au mieux, se dérobe à la discussion, au pire, s’emporte avec colère ? Non, je n’y arrive pas.
-          Écrivez-le lui, alors.
-          Lui écrire ? Une lettre ? Pourquoi pas, je n’y avais jamais songé. Vous avez peut-être raison, docteur Cohen.
-          Écrivez-lui pour vider le sac sans crainte d’être interrompue : listez vos malaises, vos souhaits, proposez des solutions et des changements, montrez que vous voulez sauver ce qui peut l’être. Peut-être la lira-t-il, peut-être même jusqu’au bout…
-          …
-          Eh bien, voilà, ce sera votre mission, votre objectif pour la semaine prochaine, madame Basset. Au revoir, Madame Basset.
-          A la semaine prochaine, Docteur Cohen.
 
Écrire une lettre à Denis… Il a raison, le docteur Cohen.
Je me suis littéralement jetée dans le projet, avec fougue, avec rage, avec espoir, avec toute la palette des émotions possibles. Je l’ai lue, relue, modifiée cent fois dans la semaine, j’ai remplacé des mots, changé la ponctuation, raccourci les phrases, organisé les idées vomies en vrac et dans la précipitation ; pesé le sens de l’apostrophe en tête, et de la formule de départ à la fin. La formule de départ, tiens, ou d’adieu d’ailleurs, l’un et l’autre se dit ou se disent…  Et ce travail m’a finalement absorbée au point d’en perdre quasiment de vue l’objectif initial : dresser la liste de mes ressentiments et celle de mes envies.
 
 
Jeudi 18, 14 heures
 
Écrire à Denis : c’est fait. Y a plus qu’à attendre, voir ce que va remonter le filet. Je me sens déjà soulagée, presque libérée, en tout cas, plus légère.
Et l’idée m’est venue en chemin : et pourquoi pas écrire tout court ? 
J’ai commencé à battre la campagne, ce qui, pour le songe-creux que je suis devenue, est un art où j’excelle.
Je me vois déjà…
Tôt le matin, devant la fenêtre du jardin, quand le jour se lève avec la brume et que les premiers oiseaux chantent, un petit noir bien serré à mes côtés. Et puis continuer dans la matinée, quand l’esprit est frais et l’énergie pétillante.
Ou alors, réserver ce moment à l’après-midi, pour meubler le vide effrayant du 14-18 h., après le déjeuner et avant la soirée. Parce que le matin, en fait, ça passe assez vite.
Ou alors le soir, à la place d’une série policière à la télé. 
La nuit, écrire pendant la nuit, à la lumière d’une lampe, taper frénétiquement sur le clavier de l’ordi dans le silence feutré de l’appartement, libre et folle, prête à toutes les licences, poétique ou autre…
 
Lundi 22, 16 heures, 
 
Avoir une chambre à soi. Avec vue si possible. Souvenir délicieux de quelques Anglaises excentriques à Florence…
Denis n’est pas souvent là, mais quand même, il lui arrive de passer quelques jours d’affilée à la maison ; et les enfants rentrent souvent le week-end. 
Il ne m’a pas fallu une semaine pour trouver une chambre de bonne à louer, même pas un studio, un petit truc d’étudiant avec un lavabo et les toilettes sur le palier, discret et pas cher, capable de passer inaperçu dans le budget de fonctionnement familial qui m’est alloué. Probablement une fournaise l’été et une glacière l’hiver, mais une fenêtre sur le jardin d’un couvent qui abrite une école, à hauteur de canopée, en plein centre-ville. Une tapisserie pisseuse imitation toile de Jouy rose et une ampoule qui tombe du plafond. 
Les cris des enfants à la récréation, les pépiements des oiseaux.
L’odeur de la boulangerie du rez-de-chaussée.
L’installation s’est faite dans un tourbillon, furtive et joyeuse, avec la Twingo.
Une table face à la fenêtre, une chaise et un canapé fourbu que j’ai prétendus vendus sur le Bon Coin pour justifier leur disparition du terrain familial. Et la lampe Art Déco de mamie. 
Un vase pour le bouquet que je ne manquerai pas de changer toutes les semaines. Une bougie parfumée, rapportée de Rome et dont les senteurs mêlées me rappellent la visite de la Villa Médicis et de son jardin. 
Et mon vieux châle de cashmere. 
Ma trousse, un joli petit carnet d’écriture à spirales, aux pages épaisses et crémeuses, pour noter rapidement les idées qui passent, avec une aquarelle représentant une tête de paon en première de couverture ; mon mug préféré, celui du musée Borghèse et la bouilloire électrique, avec le pot d’Earl Grey.
Et surtout, surtout, mon portable, mon précieux, mon alter ego, avec ses photos, sa play-list de musique rock et de baroque, sa connexion internet, sa boîte mail.
L’excitation m’en a fait oublier la réaction de Denis à la lecture de la lettre : il m’a glavioté un borborygme excédé le soir avant le repas.
-       C’est comme tu veux, mon chéri. Tu as peut-être raison.
Il a eu l’air surpris de ma réaction, a fini ses pâtes en silence, s’est installé devant la télé… Fin de l’expérience épistolaire. M’en fous ; trop tard.
Moi, j’ai une chambre avec vue ! Je vais écrire !
 
Mardi 23, 11 heures : premier jour de ma vie d’écrivain
            
Et là, devant ma fenêtre ouverte sur la canopée, les oiseaux, les enfants, les odeurs, assise à mon bureau, le châle sur les épaules et la tasse de thé fumante, les Concerts Brandebourgeois en boucle sans modération : rien.
Le black-out complet, un mur : l’angoisse de la page blanche. Bon, ça, c’est plutôt bon signe, je rejoins la cour des grands…
Concentrons-nous, écrire, mais quoi, sur quoi, sur qui ?
 
Mon autobiographie ? J’ai pensé que je pouvais répondre à une petite annonce saugrenue du magazine féminin Elle qui avait retenu mon attention : La romancière Cathie Bordet propose une retraite d’écriture à la campagne, pendant le week-end de l’Ascension. Vous devez candidater sur le sujet :  J'écris les histoires de ma vie sous forme de fragments. Vous commencerez par : « Je n’en serais pas arrivé(e) là si… ». Vous enverrez vos textes à la rédaction, qui fera suivre.
A coup sûr, ça sera plus vide que la bio de Neymar.
 
Un roman policier ? Bof, l’Europe du Nord a dynamité le genre. 
Marre des secrets de famille et des bâtards honteusement enterrés, des facho collabo et des commissaires border-line.
Et surtout pas de changement de narrateur à chaque nouveau chapitre, avec reprise en main de tous les fils au dernier, ça fait fabriqué. Cliché, cliché, cliché…
 
Un roman d’amour peut-être ? … Remember cette blague américaine des années 70 qui en marmitonnait « the » recette, composée de quatre ingrédients immuables : de la religion, de la noblesse, du sexe, du mystère ; vous avez une semaine. « Ciel, dit la marquise, je suis enceinte, mais de qui ? ». Ça va faire court… 
 
Un essai alors, mais essayer quoi ? de croire ? de penser ? de mettre de l’ordre ?  Faudrait déjà avoir des idées pour y mettre de l’ordre…
 
Et pourquoi pas un conte ?  Facile, les 5 étapes, les formules, la morale à la fin. 
Sentiment de revenir à l’école…  
 
Et si je commençais par une nouvelle, avec une chute bien sûr, inattendue, toujours inattendue, la chute, c’est important ? Une nouvelle, c’est court, une histoire, peu de personnages, on en voit vite le bout, on peut pas se tromper dans la chronologie.
            
Bon, c’est parti… Ouvrir une armoire « Écriture » dans le Précieux. A nous deux, Word. La ronde endiablée des .docx s’envole !
 
Les mystères du Causse
 
 Fatigué d’avoir couru le monde, Émile Escapoulade, fils de famille né à Paris de parents lotois, homme de sciences, polyglotte et grand voyageur devant l’Éternels, de retour sur la terre de ses ancêtres, se fit construire sur le Causse de Vers, désertique et brûlant en été, une sorte de « folie » à l’esthétique composite et à la fonction déroutante, voire mystérieuse : un château néo-gothique à tourelles, créneaux, fenêtres à meneaux et pont-levis, doté de tout ce que le confort moderne pouvait alors offrir : une salle de bains et un laboratoire destiné à des recherches scientifiques. Les autochtones médusés de tant de luxe, de nouveauté et de gâchis d’eau n’en surent jamais plus, mais il se disait à Cahors que Viollet-Le-Duc en personne avait supervisé les plans.
Bref, un chef-d’œuvre local, que ce mausolée dans lequel il s’enferma définitivement à l’âge de quarante ans, seul, si l’on excepte la présence de son domestique, un colosse défiguré et taciturne ramené de ses voyages, l’unique lien hebdomadaire avec le village proche de V.
            
Non, mais c’est le XIX° siècle là, c’est pas possible…
 
A l’aube d’un jour nouveau
 
Isabelle H., la cinquantaine fringante des femmes rompues aux quatre tics de l’époque -gymnastique, diététique, cosmétique, chirurgie esthétique- ; dir-com dans une boîte de prod. ; divorcée, un ou deux gosses bien avancés. Burn out ; le point sur les valeurs. Puis un jour, un mec ; la chambre d’hôtes dans le mas provençal, les résidences d’artistes et que je me finis la vie sous l’olivier à boire le rosé.
 
Pfft, elle m’ennuie déjà, la quinqua !
 
Retirement
 
 Cinq minutes. C’est le temps qu’il fallut à Catherine B. pour envoyer valser vingt-cinq ans de bons et loyaux services dans le mariage.
Elle était son assistante en chef, la mère de ses enfants, la sœur de ses filles. Valait-elle mieux ? Peut-être pas, mais elle eut envie de changer d’horizons.
Une fugue ? Une île en Ecosse ? Rêver sans bouger à tous les possibles...
 
Quelle tisane, je crois bien que je mettrai fin à mes jours avant la chute ! Assez de ces femmes à qui je pourrais ressembler…
 
Derrière la porte
            
Et si je m’essayais à la science-fiction ? A part Les États et Empires de la lune, La nuit des temps et Dune, je crois que je n’ai jamais rien lu. Sais même pas ce qu’est un cyberpunk. De toutes façons, je n’arriverai jamais à tricoter une neurotoxine, un système informatique et un chef d’État dans le même paragraphe. 
 
Décide-toi, ma fille !
 
Bien sûr, le mieux, ce serait un livre… un livre sur rien ! 
Rêver sur la petite musique de Céline, chercher avec Marguerite Duras la simplicité brève des mots seuls, agencer sans fin des fragments de mémoire comme Claude Simon, ou poursuivre les Fugitives d’Alice Munroe, dans le silence des mots fins, féroces, légers...
Et puisque tu ne veux pas écrire à la première personne, écris à la troisième, ton personnage, cette femme, sera faite de toi et d’autres. Elle se retrouve seule, souffre et subit sa solitude, puis l’accepte et l’assume. Suis-la, regarde où elle va, ce qu’elle fait, qui elle voit…
On ne te demande pas d’écrire des choses vraies, ou fausses, donne-toi l’illusion que ça pourrait être vrai.
 
Tellement concentrée que j’ai failli en rater le rendez-vous hebdomadaire avec le bon docteur Cohen !
 
 
            Jeudi 25, 10 heures
 
Pas pu venir hier, à cause des ouvriers qui réparent la chaudière. Quelle poisse !
Du coup, j’ai eu le temps de réfléchir à ma première phrase. 
 
Elle débarqua gare du Nord avec sa valise à roulettes, seule, perdue au milieu des quais, dans ce hall immense ouvert aux quatre vents et grouillant d’une foule mélangée, banlieusards fatigués, eurocrates pressés, touristes et dealers confondus.
 
C’est pas mal, cette opposition entre elle et la gare, elle et les autres ; faudrait peut-être que je caractérise mieux la gare, elle m’affole, moi, cette gare.
 
 
Elle débarqua gare du Nord avec sa valise à roulettes, seule, perdue au milieu des quais, dans ce hall immense et bruyant, ouvert aux quatre vents, en travaux perpétuels et grouillant d’une foule mélangée, banlieusards fatigués, eurocrates pressés, touristes et dealers confondus.
 
Trop longue, cette phrase.
 
Elle débarqua gare du Nord avec sa valise à roulettes, seule, perdue au milieu des quais, dans ce hall immense et bruyant traversé de courants d’air sibériens, en perpétuels travaux ; une foule mélangée de banlieusards fatigués, d’eurocrates pressés, de touristes et de dealers confondus s’agitait en tous sens, l’ignorant, la bousculant.
 
C’est mieux ; ce n’est pas encore tout à fait de la poésie urbaine, mais un cadre est posé, quand même. 
Je me demande si ça ne serait pas mieux au passé composé, ça fait plus moderne.
 
Elle a débarqué gare du Nord avec sa valise à roulettes, seule, perdue au milieu des quais, dans ce hall immense et bruyant traversé de courants d’air sibériens, en perpétuels travaux ; une foule mélangée de banlieusards fatigués, d’eurocrates pressés, de touristes et de dealers confondus s’agitait en tous sens, l’ignorant, la bousculant.
 
 
Cette fois, je crois que je la tiens…
 
Une grande liane androgyne à l’air farouche, au regard de nuit, casquée d’une chevelure de jais, toute de noir vêtue de la tête aux pieds, blouson, pantalon et santiags, tatouages abscons aux doigts, lourds bijoux d’argent, un sac à dos en forme de tête de mort.
Elle a fait quelques pas, désorientée, bousculée, absente au monde qui l’entoure. Lecture des panneaux. Elle a pris le métro direction Porte de Pantin, vers les bureaux d’un type, vaguement impresario à ce qu’elle avait compris, qui leur avait dit de passer le voir un soir qu’ils se produisaient au Captain Flash, une salle plutôt confidentielle de la banlieue de Lille.
 
Où, quand, qui, quoi, comment : on y est. Enfin, non, pas quand. Tant pis, ça n’a pas d’importance ; on voit bien que c’est de nos jours. Et pour le nom de la grande liane, on verra plus tard, ça n’a rien à faire ici. De toutes façons, je ne vois pas bien comment je pourrais caser ça dans ce début.
Mânes de Proust, de Céline et d’Aragon, aidez-moi !
 
            Vendredi 26, 11 heures ; 
 
A nous deux, la grande liane.
Pauvre fille, elle a l’air mal barrée… Tu vas en faire quoi ? Une rock star, une serveuse de bar alternatif, une égérie des nuits bleues parisiennes, un ange de la mort, un cadavre ? Clavier, mon beau clavier, dis-moi quelle est sa destinée… 
 
« Leur », « ils », c’était bien fini, ça…
Cet enfoiré d’Arnaud l’avait plaquée du jour au lendemain, sans explications. Rien vu venir. Rideau, on repart à zéro. Les tournées de concerts du samedi soir dans les estaminets décalés de l’Arrageois et de la Thiérache, c’était fini, comme les répétitions dans le hangar de son oncle, à Saint-Jos, et l’appartement-atelier-studio d’enregistrement pour You Tube. Elle se retrouvait seule, à la ville comme à la scène, selon l’expression consacrée. Le coup l’avait sidérée pendant plusieurs mois, plongée dans une dépression consciencieusement noyée dans une grande barrique de bière ; à la remontée, elle avait décidé de tout liquider dans le Nord et de tenter l’aventure à Paris, seule. Avec l’argent prêté par une amie, elle avait calculé qu’elle pouvait passer une semaine à l’Ibis-budget, une semaine, pas plus. Après…
 
… Un café, vite, un café ; et tout d’un coup, une envie urgente de cigarette, la première depuis quinze ans ; au diable le thé fadasse des anglaises roses, ce qu’il me faut, c’est du brutal.
 
Elle se répétait ce qu’elle allait dire à ce mec qui avait eu l’air d’être intéressé par leur travail quelques semaines avant le Grand Dérangement et qui leur avait laissé sa carte de visite, un impresario parisien qui cherchait de nouvelles têtes. Le site internet, les clips sur You Tube, la plate-forme de streaming : tout ce qu’ils avaient construit à deux, elle allait le refaire seule ; écrire, composer, chanter. Et chanter, dans les bars, les mariages, faire les premières parties, ça elle savait, elle pouvait. Et jouer même aussi, au moins s’accompagner au piano ou à la guitare. Elle était prête à demander à la RATP l’autorisation de se produire dans le métro. Elle était sûre de sa signature : rock, électro-pop, R&B, voix fragile et forte, douce et rugueuse, un peu cassée. Et les années de danse classique et de modern-jazz feraient le reste du spectacle.  
L’impresario ne semblait pas se souvenir très bien de sa soirée à Lille, il a quand même jeté un œil sur les clips tournés au temps enfui du duo et noté son numéro de portable, en lui recommandant bien de lui envoyer ses maquettes dès qu’elles seraient enregistrées ; il ne pouvait malheureusement rien faire de plus en l’état actuel des choses. 
 
Et voilà, c’est parti ! Un destin de rock star ! Épuisée, je regarde l’heure :
Il est 15 heures, je n’ai pas vu passer le temps, j’ai écrit 20 lignes à tout casser, je n’ai pas mangé et je dois rentrer à la maison en pleine crise d’inspiration ; la rage…
A bientôt, la grande liane ; tiens, toujours pas de nom, la pauvrette ! Et dire qu’il va falloir attendre lundi…
Le bon côté, c’est qu’à la maison, maintenant, c’est devenu fluide : me fous de tout, et Denis ne se doute toujours de rien, mais il a l’air étonné de mon calme ; plus de reproches, plus de questions, plus de gueule. Les vacances pour tous…
 
 
Lundi 29, 10 heures
 
Journal, mon beau journal, me revoilà ! Deux jours pour réfléchir à mon histoire. Denis semble sinon inquiet, du moins un peu désorient. Enjoy…
Moi seule dans ma chambre en ville avec vue, mon café, ma cigarette, et désormais un précieux exclusivement dévolu à ma clandestine activité.
 
Plus j’y pense et moins cet idée d’impresario me plaît : d’abord, je ne sais pas vraiment à quoi ça sert, un impresario, ça fait ringard, style Bruno Coquatrix et Mireille Mathieu, et je n’ai pas envie de faire des recherches sur Wikipédia ; et puis, je préfère qu’elle s’en sorte autrement, en conformité avec son physique, son envie de repartir à zéro, son étrangeté. 
En revanche, je garde le quartier, porte de Pantin, le XIX°, la grande halle de la Villette, la Cité de la Musique, le Zénith et le Conservatoire de Musique : donc, plein d’artistes, varié, vivant, ouvert. Il vaut mieux que je lui trouve un milieu, une famille spirituelle, en quelque sorte qui lui ouvre des portes, plutôt que l’enfiler direct dans le système, dans le circuit officiel…
 
Elle est sortie un peu sonnée de l’entrevue, vingt minutes au bas mot, étourdie de ce rien qui s’ouvrait sous ses pieds. Au moins, il n’avait pas essayé de coucher avec elle ! 
Dehors, le soleil l’a éblouie, et elle a marqué un temps d’arrêt, tout allait si vite, tout était si vide… Elle est allée prendre un café dans le bistro le plus proche ; elle a planté son regard sur un groupe de trois jeunes accoudés au bar qui la regardaient arriver et s’est approchée d’eux, parce qu’elle sentait qu’ils avaient un petit air de famille et qu’elle avait besoin d’un peu d’humanité, là, tout de suite. 
            Elle paie sa tournée de bière, remettent chacun la leur.  
Son flair ne l’a pas trompée : ils vivent dans une communauté d’artistes ; ils sont tous intermittents du spectacle, plasticiens, ou art-geek, underground avant-gardiste visant l’upper, courent les auditions, les cachetons, les premières parties, harcèlent les producteurs, les chasseurs de tête et autres galeristes ; travaillent pour survivre, plongeurs, livreurs, vendeurs, le minimum vital, et consacrent le reste de leur temps à leur passion, à leur art, à leur œuvre, à leurs créations; multiplient les plans foireux en rêvant aux lendemains qui révèleront à la face du monde leur génie révolutionnaire. 
Elle leur raconte sa jeune carrière à Lille et sa décision de venir tenter sa chance à Paris, son entrevue avec l’impresario, qu’ils connaissent. 
-       C’est pas celui de Céline Dion, mais bon, sait-on sait jamais, t’as bien fait. Enfin, vaut mieux pas trop compter sur lui… Si tu veux, tu peux nous suivre, on peut te dépanner. La participation est modeste, tu donneras ce que tu veux au début.
Échangent leurs noms en se regardant droit dans le blanc des yeux : 
-       Thiphaine. 
-       Fabien.
Lui, c’est le plus âgé, une sorte de balandard viking barbu aux cheveux blonds ramassés en un petit chignon entortillé haut sur le sommet du crâne.
-       Tiphaine. 
-       Louis-dit-Lu.
Un beau brun au regard de velours qui la mate avec insistance. 
-       Thiphaine. 
-       Renaud.
 P’tit blond à l’air chlorotique et teigneux, un bandana crasseux autour du cou et le sourire légèrement narquois.
 
Elle les suit, curieuse, un peu inquiète aussi de découvrir … quoi au juste ? un phalanstère ? Une ruche ? Un squat déglingue pour junkies à la dérive ? On verra bien, pas grand-chose à perdre. Arrête de te poser des questions, tu as voulu monter à Paris, seule, tu assumes. 
Elle observe le quartier, une rue animée du XIX° arrondissement, une succession de commerces, des portes cochères dont le vernis a viré jaunasse, une école style Jules Ferry, un immeuble des années 60 dont l’entrée et les fenêtres du bas sont barrées de planches tagguées. Propriété privée. Accès interdit. 
 
Suspense. Exit l’impresario. Et au moins, elle a gagné un prénom ! 
 
            Mardi 30, midi
 
            J’ai fait un rêve, cette nuit, un cauchemar plutôt, qui m’a réveillée en sursaut juste avant l’accomplissement de la catastrophe finale ; je me suis levée pour aller boire, et je me suis vue dans le miroir de la salle de bain, hagarde, trempée de sueur froide, les traces de l’oreiller profondément incrustées dans la joue ; j’ai eu envie de noter l’histoire tout de suite avant de l’oublier et aussi pour en neutraliser l’effet, dans le silence de la maison endormie, en prenant soin de ne pas réveiller Denis.
C’était l’été. Nous étions au Pays Basque, réunis sur la terrasse de notre maison de vacances, avec les enfants et les voisins, et nous prenions l’apéritif, comme cela nous arrive souvent. Le soleil avait disparu, il faisait déjà froid et nous avons décidé de rentrer pour dîner, en dépit du protocole institué depuis longtemps : tous les repas dehors, ledéfilé ininterrompu des invités qui se succèdent nous ayant obligés à prendre ces mesures de survie si on ne voulait pas trop se saloper la grande pièce à vivre.  
La fille de nos voisins, Roseline, une adolescente acnéique mal dans sa peau, à qui sa mère faisait des réflexions acides à tout moment au sujet de son appétit (« Un estomac sur patte, une usine à digérer ! Le PIB de la Belgique en bouffe chaque semaine ! Pas étonnant, l’acné et le surpoids !) et devant tout le monde se mit alors à dévorerméthodiquement et à grande vitesse tout ce qui lui tombait sous la main ; alors elle enfla, enfla inexorablement au fur et à mesure que mes fameux pinxos, que j’avais passé l’après-midi à cuisiner et dont j’espérais que chacun les dégusterait avec des mines de chatte gourmande, tombaient dans le précipice sans fin de son estomac.
Nous l’observions tous, pétrifiés, muets, consternés, mais c’était moi qu’elle regardait de ses gros yeux exorbités, sans ciller, sans cesser d’enfourner avec voracité. Il me semblait que ce n’était pas un reproche, plutôt un appel à l’aide, et je restais là, scotchée, impuissante, parce que Denis, d’un regard, m’avait intimé l’ordre de ne pas intervenir. Je n’en pouvais supporter plus, je m’éveillai…
Je me suis recouchée, mais je n’ai pu me rendormir. Il faudra que je raconte ça au docteur Cohen, ce soir. Parce que ce cauchemar m’a poursuivie toute la journée, et que je sens qu’il me dit quelque chose de moi, peut-être de ma double vie … 
En même temps, j’en ferais bien quelque chose dans ma nouvelle…
 
 
Mercredi 1°,
 
J’ai raconté mon rêve au docteur Cohen : il m’a dit qu’il était psychiatre, pas psychanalyste, mais il m’a quand même demandé si cette maison était importante. 
Oui, docteur, elle l’est. 
Une bouffée de souvenirs d’enfance se sont convoqués/bousculés, images de mes vacances chez les grands-parents, petite fille unique et solitaire, lectrice au grand cours, de préférence perchée-planquée dans un arbre, tout d’un coup flanquée de cinq cousins germains tous plus âgés que moi, qui me martyrisaient et m’adoraient à la fois, m’entraînaient dans des bêtises dont l’idée même ne m’aurait pas effleuré l’esprit, bruyants casse-cou, trompe-la-mort peur de rien. C’était exactement au même endroit, à la même époque, les mêmes participants :  les apéritifs avec les voisins, mais aussi les glaces de Lopez quand on remontait à pied de la plage, dans les tongs qui nous bousillaient les pieds, et la petite cabane en bois, peinte en rouge, avec sa porte à carreaux et son rebord de fenêtre soigneusement fleuri, ses rideaux à nœud-nœud, cachée au fond du jardin ; nous y passions nos journées, à l’abri des regards des adultes, hors de portée de leurs oreilles, petits ensauvagés plongés en pleine nature, protégés par l’immensité d’une forêt de 300 m2 composée de 6 arbres fruitiers (pommiers, prunier, figuier, poirier, noyer et même un olivier malingre et chlorotique qui ne s’est jamais accoutumé au climat du pays basque mais que nous avons gardé).  La gaine souple et infranchissable d’une haie, des lilas, une glycine et une clématite orange nous ceignaient et nous cachaient définitivement ; là, nous pouvions à perdre haleine inventer des histoires de pirates, installer des restaurants, ou monter des comédies musicales, surveiller l’horizon depuis une branche, ou les voisins à travers les trous de la haie.
Sitôt les repas obligatoires expédiés, comme une volée de moineaux, à tire-d’aile, nous nous égaillions dans ce refuge, avec un plaisir inépuisable. 
 
A y bien réfléchir, c’est là, avec ces cousins plus âgés et plus délurés que moi, que j’ai appris l’art des rapports de force, l’art d’inventer des histoires et celui de cacher aux puissants ce qui ne les regarde pas…
Savoir dire non ; savoir imposer sa présence, même quand on est une fille et petite. Savoir se rendre indispensable : au titre de bonne élève et surtout de bonne en français, j’étais chargée de transcrire les brillants scénarios échafaudés par mes cousins, à destination du spectacle qu’on infligeait régulièrement à la famille, mais dûment expurgé des péripéties les plus olé-olé, comme disait ma mère. Nous avions acquis pour cela un flair de limier.
A bien y réfléchir, c’est de là que date ma première période écrivaine, je l’avais oubliée depuis longtemps, mais je me revois encore assise sur le plancher de la cabane, écrivant sous la dictée un texte au genre littéraire définitivement improbable, tenant à la fois du roman-feuilleton et du théâtre. Une intuition probablement du scénario de film… et peut-être un signe précurseur de la vocation d’écriture à laquelle le destin semble-t-il m’appelle à grand cri !
 
            A quel moment ai-je oublié tout ça ? Par quels mécanismes insidieux me suis-je transformée en desperate housewife ? Dans quels recoins sombres me suis-je dépouillée de mes envies, de mes espoirs, de mes projets ? Comment me suis-je laissée ligoter par cet entrelacs de lianes invisibles qui m’étouffent à présent ?  
A ce propos, ma tourterelle chouineuse dans sa cage dorée, entre le cauchemar de la nuit passée, les souvenirs et les jérémiades, ça fait longtemps qu’elle est en plan, ta liane, plantée devant son squat dans le XIX°… 
Elle s’est retrouvée seule, elle l’a subi, maintenant, elle va assumer, elle.
A bon entendeur…
 
-       On occupe une ancienne clinique, 1000 m2 sur trois niveaux ; elle est abandonnée depuis vingt ans, alors on l’a investie, et c’est devenu un lieu de vie et de création autogéré, un « tiers-lieu », comme disent les sociologues. On y entre par là, dit Fabien, désignant une ancienne porte de service dans l’impasse qui borde la façade sur la gauche.
-       Vous êtes nombreux ?
-       Y a pas de liste de locataires ! En moyenne, on doit tourner à 100, 150 peut-être, je sais pas. On se connaît pas tous. On a nos spots et nos potes… Les musicos plutôt dans les sous-sols, à cause du bruit, les « plasticiens », dit-il en faisant le geste des guillemets en l’air, plutôt là où la lumière est bonne. Les autres où ils trouvent de la place… 
-       Tu es là depuis longtemps ? Tu fais quoi ?
-       Moi, ça fait un an, mais il y a des mecs qui sont là depuis le début, dix ans environ, les pères fondateurs, quoi. Moi, j’écris des scénars pour des séries policières, avec des potes, et j’invente des jeux de rôles pour les entreprises.
-       Et la police ne vous emmerde pas ? Vous ne risquez pas l’expulsion ?
 
Rêve de nouveauté, rêve d’inconnu, rêve de squat : je me sens pousser des ailes !
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